La Carretera Austral (extraits)

Régions de Los Lagos et Aysén del General Carlos Ibáñez del Campo, Chili

Puyuhuapi

Il ne faut pas se le cacher, notre dernière expérience au Chili nous faisait un peu redouter le fait d’y retourner. Déjà on savait qu’on allait s’ennuyer des pâtisseries et du bon pain, de la nourriture moins cher et des conducteurs plus courtois. Mais bon, il ne faut pas passer non plus à côté de la fameuse Carretera Austral, dont j’entends parler de la part d’autres voyageurs à vélo depuis que j’ai commencé ce voyage au Canada. Au moins, la période des vacances estivales est terminée, donc nous devrions nous attendre à moins de personnes sur les routes. De plus en plus de gens, y compris des cyclistes allant vers le nord, nous disent lorsqu’ils apprennent que nous allons jusqu’à Ushuaia que nous sommes un petit peu en retard : « il gèle parfois la nuit », « ah ! il a neigé il y a quelques jours par là-bas (dans les montagnes) » ; bref, de bons encouragements !

Les trois premiers jours se feront sans Guillermo. Certaines personnes avec qui j’ai voyagé plus au nord et qui ont passé par là il y a quelques semaines m’avaient averti d’un segment en construction horrible, caillouteux et totalement démoralisant. Guillermo a préféré l’option de prendre un transport et de relax en nous attendant plus au sud, alors que Christian et moi affronterons la route.

IMG_7369Se rendre à la Carretera Austral à partir du village frontalier de Futaleufú nous a pris une journée et demie, dans un décor sublime, descendant une rivière rugissante. La Carretera Austral s’étire sur 1250 kilomètres de Puerto Montt à Villa O’Higgins. Déjà nous la rejoignons beaucoup plus au sud de Puerto Montt et nous ne pourrons aller jusqu’à Villa O’Higgins. De là, le cyclotouriste emprunte généralement deux bateaux séparés par un sentier raboteux de quelques kilomètres pour se rendre du côté argentin, près de El Chaltén. Mais comme nous sommes un peu tard dans la saison, il faudrait pédaler jour et nuit pour arriver à temps pour le dernier bateau. Le sud de la Carretera Austral sera pour une autre fois.

De Santa Lucia, où nous arrivons à l’intersection avec la Carretera Austral, devait commencer l’enfer qu’on nous avait prédis, mais à notre grande surprise, les gros cailloux et le sable qu’on annonçait avait été passés au rouleau compacteur, et même un petit bout de route avait reçu sa première couche d’asphalte. Bref, ce n’était franchement pas si pire ! Nous rejoignons Guillermo à Puyuhuapi, nous apprenant qu’à part le premier segment jusqu’à Santa Lucia, il aura fait tout le reste à vélo, seulement à une cinquantaine de kilomètres devant nous !

C’était beau. Beau beau beau. Laissons parler les images d’eux même et regardez la dernière partie de la plus récente vidéo (à partir de 6:05) et l’album photo de ce bout de route.

Mais bon, avec plus de 28 000 kilomètres au compteur, ce n’est plus juste une montagne enneigée, une rivière turquoise ou un glacier qui font le moment exceptionnel : les gens y jouent pour beaucoup. Je ne sais pas si c’est parce que de notre côté nous exaltions le bonheur à être dans ce décor majestueux que cela faisait un plus grand contraste, mais les gens ici nous semblaient tristes. Tristes et amers. Le Chili est peut-être le pays le plus riche d’Amérique du Sud (PIB par habitant), mais on confirme ici que la richesse n’amène pas le bonheur. Il y a bien sûr des exceptions, des gens super sympathiques qui font que je n’entrerai pas dans les détails d’autres expériences platoniques.

casa de ciclistaDonc encore une fois, nous évitons un détour supplémentaire initialement désiré pour retourner plus rapidement en Argentine. Mais avant cela, nous passons par deux casa de ciclista, passage quasi obligé dont pratiquement chaque cycliste que l’on rencontre nous mentionne. Ces hommes à Mañihuales et Coyahique qui offrent leur toit aux cyclovoyageurs sont des êtres exceptionnels : car du cycliste sur la Carretera Austral, il y en a. Beaucoup. Et toute la saison ils ont eu des gens chez eux. De toutes sortes. Qui ne sentent pas nécessairement la rose. Mais qui ont des histoires, des sourires, des yeux remplis d’images qui doivent faire plaisir à leur hôte.

C’est à deux jours de route au sud de Coyahique que nous quittons le Chile, sur les rives du lac General Carrera. Ou le lac Buenos Aires, du côté argentin. C’est le même lac, la même masse d’eau, mais les deux pays ne semblent pas vouloir s’entendre sur un nom commun. En plus, c’est le deuxième plus grand lac d’Amérique du Sud après le Titicaca (qui n’a pas deux noms distincts entre les parties boliviennes et péruviennes). Mais nous n’en sommes pas à un paradoxe politique près entre ces deux pays qui s’appellent hermanos (frères) et qui aiment tant se haïr.

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