Avec les cheveux qui ne finissent pas d’allonger au fil des kilomètres, je sors de la Bolivie et entre au Chili à la fin d’octobre 2013. Si certains de mes amis me disaient à ce moment-là « Déjà au Chili! Tu as presque terminé! Il ne reste que deux pays! », j’acceptais les encouragements tout en rectifiant. On oublie que le Chili, avec une géographique atypique en forme de mince bande de terre entre le Pacifique et les Andes, de 180 kilomètres de large en moyenne (oscillant entre 90 et 440 kilomètres), s’étend cependant sur près de 4 300 kilomètres du nord au sud. Avec son voisin, il partage la troisième plus grande frontière politique du monde (après Canada-États-Unis et Kazakhstan-Russie). L’Argentine, quant à elle plus large, est le huitième plus grand pays du monde. Dans les deux pays, j’ai parcouru 7 625 kilomètres, soit presque le quart de tout ce que j’aurai parcouru à travers les Amériques!
Si d’un côté, on me regardait étrangement à travers les hommes bien rasés, de l’autre, je m’intégrais plus facilement avec mes cheveux longs et ma barbe où tout est un peu plus relax (point sur lequel les Chiliens aiment bien souligner par là la « paresse » de leur voisin). Malheureusement, je ne pouvais me couper les cheveux et les replacer à chaque changement de frontière.
L’Argentine, à peine sorti de la crise économique du début du millénaire, fait face à une inflation galopante et une dévaluation de sa monnaie. Cela n’efface cependant pas leur sourire face au visiteur. La culture du voyage y est bien ancrée, alors qu’autrefois, la devise argentine leur permettait de voyager un peu partout avec facilité, encore plus sur le reste du continent sud-américain. Aujourd’hui, la difficulté qu’ils éprouvent à se procurer des devises étrangères les amènent à se concentrer sur leur propre pays lorsqu’ils voyagent. Ils partageront avec vous leur nostalgie de leurs anciens voyages (avec tout de même une certaine amertume face aux restrictions du gouvernement central) et vous souhaiteront la bienvenue chez eux.
Le Chili se vante de sa richesse, alors que dans les rues les regards fuient souvent face à l’inconnu qui passe par là. Les Chiliens ne sont pas anti-sociaux, mais plus distants. Si le temps et l’occasion permet de s’approcher un peu plus et d’établir une relation de confiance, on découvre alors le gentil Chilien qui se cache sous la carapace. Restant de période de dictature? Il est vrai que nous ne sentons pas la même distance lorsque nous rencontrons des jeunes, les jeunes de la Révolution des pingouins (en apprendre plus par ici), qui ne semblent pas avoir cette méfiance primaire envers l’Autre. Contrairement à leurs aînés, ils n’hésitent pas à nous saluer, nous parler et nous sourire lors de notre passage.
Mon zigzag à travers les Andes m’amènera à traverser neuf fois la frontière argentino-chilienne. Le choix de cet itinéraire un peu fou ne pourra m’empêcher de faire des comparaisons entre les países hermanos, les pays frères, d’où le choix de les présenter d’un coup dans le même bilan-pays, le dernier de presque deux ans d’aventure.
Des chiffres et des lettres
Chili
Du 25 octobre 2013 au 20 avril 2014
72 jours dont 49 à vélo
Jours avec pluie : 7
Jours avec gel au réveil: 10
3 542 km (5 segments de 974, 1195, 389, 564 et 420 km)
8 traversées de la Division Continentale
4 crevaisons et 6 rayons cassés et un moyeu brisé
72,28 km en moyenne par jour pédalé (49,19 par jour total)
Vitesse moyenne de 13,3 km/h
Journée la plus grande : 160 km
Journée la plus courte : 9 km
Journée la plus rapide : 19,4 km/h
Journée la plus lente : 5,5 km/h
Vitesse maximale : 107,1 km/h
Oui oui, 107,1 : le vélo surchargé d’eau et de nourriture, une descente extraordinairement droite sur de l’asphalte bien lisse avec un vent de dos incroyable vers la paso de Jama, près de ma première entrée en Argentine. Euphorie, peur, plaisirs, regrets, tout cela et même plus. Mais pour être franc, à partir de 80 km/h, on ne sent plus vraiment la différence de vitesse : ça va vite.
Argentine
Du 12 novembre 2013 au 27 avril 2014
69 jours dont 58 à vélo
Jours avec pluie : 14
Jours avec gel au réveil: 3
4 084 km (5 segments de 1385, 590, 606, 1171 et 332 km)
7 traversées de la Division Continentale
1 crevaisons et 4 rayons cassés
70,42 km en moyenne par jour pédalé (59,19 par jour total)
Vitesse moyenne de 14,4 km/h
Journée la plus grande : 167 km
Journée la plus courte : 17 km
Journée la plus rapide : 22,7 km/h
Journée la plus lente : 5,9 km/h
Vitesse maximale : 66,8 km/h
Quoi manger ?
Commençons par ce qu’il y a en commun entre les deux pays : exit la facilité avec les repas dans les petits restaurants de villages, comme en Équateur, au Pérou et en Bolivie. Il faudrait un porte-feuille beaucoup plus épais pour se le permettre. Il y a cependant une infinité de choix agréables pour les yeux pour établir son lieu de pique-nique. De retour donc au riz et aux pâtes alimentaires, comme au début du voyage, mais aussi à la polenta, beaucoup plus rapide à cuire.
Traverser la frontière aussi souvent que je l’ai fait nécessite une petite organisation alimentaire pour ne rien gaspiller. Le Chili applique un rigoureux mais inégal contrôle d’entrée des produits alimentaires pour protéger son agriculture. Il est donc interdit d’entrer avec de la viande, des fruits, légumes, noix, produits laitiers et autres produits frais. Après les formalités administratives d’entrée, un agent du service agro-alimentaire inspectera vos bagages, passant d’un simple coup d’oeil dans le sac où vous avez dit que vous avez rangé votre nourriture jusqu’à faire passer tout votre équipement dans de grandes machines. En Argentine, il est théoriquement aussi interdit d’entrer de la nourriture fraîche, mais le contrôle est quasi inexistant. « Quasi » car une fois Guillermo s’est fait pincer par une inspectrice formatrice un peu zélée. Cette formatrice convaincra-t-elle les douaniers à inspecter plus ardemment les touristes dans le futur ? À voir.
Si on ne mange pas dans les restaurants, par contre en Argentine, c’est le paradis des desserts, des pâtisseries, des biscuits et de la crème glacée. Les facturas, de petites pâtisseries variées, s’achètent à la douzaine ou la demi-douzaine, et on peut parfois demander s’il y a des restants de la veille pour que ce soit encore moins cher. On trouve des biscuits santé, énergétiques et délicieux dans les épiceries et lorsque l’on s’attarde à lire l’emballage, nous découvrons qu’ils sont produits par un groupe religieux d’adventistes. S’ils se sont donnés comme mission de mieux nourrir les Argentins tout en remplissant leurs coffres, je ne sais pas s’ils savent que de nombreux cyclistes ne jurent que par eux. Ne vous acharnez pas à acheter un petit cornet de crème glacée à la fin d’une journée chaude : mieux vaut partager (ou engouffrer soi-même) un demi-kilo ou même un kilo de trois ou quatre saveurs différentes, et ce sans se ruiner. Une délicieuse découverte faite un peu sur le tard en Argentine fut le Mantecol, une espèce de barre à base de pâte d’arachide et un peu feuilletée mais à la fois compacte, bien calorique, bien sucrée, bien grasse, que je ne mangerais pas si j’étais sédentaire, mais tellement réconfortant dans les grands espaces patagoniens. On raffolera aussi du bien connu dulce de leche, caramel crémeux digne de sa fierté nationale, à étendre un peu partout, surtout sur des craquelins un peu salé.
Au Chili, la nourriture est un peu plus triste et plus chère. Le rayon des biscuits et craquelins est dominé par le géant Costa et son goût de sucre raffiné, ce qui ne m’a pas empêché de m’empiffrer de beaucoup trop de paquets. Le dulce de leche s’appelle manjar, et Nestlé a dû tuer les producteurs locaux malgré son mauvais goût. Mieux vaut s’amener un pot de La Serenissima d’Argentine non entamé (il sera confisqué – et probablement mangé – à la frontière s’il est ouvert). Les fruits et légumes ont beau avoir leurs formats et esthétiques d’exportation pour l’Hémisphère Nord, ils ne sont pas moins cher bien qu’ils aient poussés tout près.
Et je n’ai pas parlé des empanadas, idéales pour boucher un coin. Celles du Chili sont grande, à pâte dure, cuites au four et remplies de bonnes choses en quelques variétés, celles de pino comportant tout le melting-pot, de l’oeuf dur à l’olive noir. Celles de l’Argentine sont plus petites, à pâte mince, cuite ou parfois frite, avec une plus grande variétés de saveurs. Différentes d’un pays à l’autre et difficilement comparable, dans les deux cas parfaites pour un snack d’après-midi (si on arrive dans un village à ce moment, bien entendu!)
Où dormir ?
Exit également les petits hôtels, ou du moins une option à ne conserver qu’en de très rares occasions, pour trois à quatre fois le prix qu’au Pérou. Dans les grandes villes où un hébergement de la sorte serait encore plus cher, les auberges de jeunesse permettent rencontres et cuisine équipée. C’est le retour des campings aménagés, que je n’avais pas vu depuis les États-Unis. Au Chili, les campings ne sont présents que dans les endroits touristiques et pas toujours économiques. En Argentine, même les petits villages possèdent des campings municipaux. Les moins développés sont gratuits, surtout au nord du pays, alors qu’il faut s’attendre à payer dans les villes touristiques. Ils sont généralement équipé de structure pour braiser sa viande avec un grill, il ne suffit que de se faire un feu et aller chercher un morceau de viande à la boucherie d’à côté pour passer une belle soirée. Des deux côtés, On peut faire du camping sauvage près de la route sans grande préoccupation. S’il y a trop de vent, considérer en dessous de la route! Ne pas non plus négliger l’accueil des pompiers ou même des policiers dans les postes des petits villages, surtout lorsqu’il pleut. Au sud de l’Argentine, où les distances entre les villages est considérable, des postes où vivent et travaillent des équipes d’entretien de la route aident les cyclistes de passage.
Routes
Il y en a pour tous les goûts! Il y a généralement des possibilités de s’éloigner des axes principaux assez rapidement. De notre expérience, les automobilistes argentins sont beaucoup plus aptes à partager la route qu’au Chili. L’Argentine a généralement des routes aux côtes moins abruptes qu’au Chili, géographie aidant. Le Chili entre en effet dans mon top 3 de mes expériences de côtes abruptes, avec l’Équateur en tête et le Guatemala et le Chili se partageant la deuxième place.
Le Ministère des Travaux Publics du Chili maintient sur son site web une cartographie interactive du pays permettant d’imprimer ses propres cartes. Le lien suivant amène à un document pdf de tous les passages frontaliers habilités entre le Chili et l’Argentine.
Je regroupe ici les différentes cartes du nord au sud de chaque segment de route.
Segment 1 Chili
Segment 2 Argentine
Segment 3 Chili et Argentine
Segment 4 Chili
Segment 4 Argentine
Segment 5 Chili et Argentine
Hello Etienne !!!
Un tout grand bravo à toi pour ton super voyage !!! On a vraiment pas roulé ensemble longtemps, mais on a l’impression de bien te connaître grâce à ton site et au fait qu’on a pas mal traversé les mêmes paysages… On te souhaite tout de bon pour la suite et qui sait, peut-être qu’on se recroisera un jour sur les routes !!!